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le porte, mais il ne saurait en changer la structure, créer les vents, ni empêcher l’Océan de se soulever sous ses pieds.

J’ai montré quels avantages les Américains retirent du système fédéral. Il me reste à faire comprendre ce qui leur a permis d’adopter ce système ; car il n’est pas donné à tous les peuples de jouir de ses bienfaits.

On trouve dans le système fédéral des vices accidentels naissant des lois ; ceux-là peuvent être corrigés par les législateurs. On en rencontre d’autres qui, étant inhérents au système, ne sauraient être détruits par les peuples qui l’adoptent. Il faut donc que ces peuples trouvent en eux-mêmes la force nécessaire pour supporter les imperfections naturelles de leur gouvernement.

Parmi les vices inhérents à tout système fédéral, le plus visible de tous est la complication des moyens qu’il emploie. Ce système met nécessairement en présence deux souverainetés. Le législateur parvient à rendre les mouvements de ces deux souverainetés aussi simples et aussi égaux que possible, et peut les renfermer toutes les deux dans des sphères d’action nettement tracées ; mais il ne saurait faire qu’il n’y en ait qu’une, ni empêcher qu’elles ne se touchent en quelque endroit.

Le système fédératif repose donc, quoi qu’on fasse, sur une théorie compliquée, dont l’application exige, dans les gouvernés, un usage journalier des lumières de leur raison.

Il n’y a, en général, que les conceptions simples qui s’emparent de l’esprit du peuple. Une idée fausse, mais