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qu’on a voulu y établir de grandes républiques, au lieu d’y fractionner la souveraineté.

Il est incontestable, en effet, qu’aux États-Unis le goût et l’usage du gouvernement républicain sont nés dans les communes et au sein des assemblées provinciales. Chez une petite nation, comme le Connecticut, par exemple, où la grande affaire politique est l’ouverture d’un canal et le tracé d’un chemin, où l’État n’a point d’armée à payer, ni de guerre à soutenir, et ne saurait donner à ceux qui le dirigent ni beaucoup de richesses, ni beaucoup de gloire, on ne peut rien imaginer de plus naturel et de mieux approprié à la nature des choses que la république. Or, c’est ce même esprit républicain, ce sont ces mœurs et ces habitudes d’un peuple libre qui, après avoir pris naissance et s’être développées dans les divers États, s’appliquent ensuite sans peine à l’ensemble du pays. L’esprit public de l’Union n’est en quelque sorte lui-même qu’un résumé du patriotisme provincial. Chaque citoyen des États-Unis transporte pour ainsi dire l’intérêt que lui inspire sa petite république dans l’amour de la patrie commune. En défendant l’Union, il défend la prospérité croissante de son canton, le droit d’en diriger les affaires, et l’espérance d’y faire prévaloir des plans d’amélioration qui doivent l’enrichir lui-même : toutes choses qui, pour l’ordinaire, touchent plus les hommes que les intérêts généraux du pays et la gloire de la nation.

D’un autre côté, si l’esprit et les mœurs des habitants les rendent plus propres que d’autres à faire prospérer