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abandonné à ses propres forces, et alors l’anarchie s’est établie parmi les confédérés, et l’Union est tombée dans l’impuissance d’agir[1].

En Amérique, l’Union a pour gouvernés, non des États, mais de simples citoyens. Quand elle veut lever une taxe, elle ne s’adresse pas au gouvernement du Massachusetts, mais à chaque habitant du Massachusetts. Les anciens gouvernements fédéraux avaient en face d’eux des peuples, celui de l’Union a des individus. Il n’emprunte point sa force, mais il la puise en lui-même. Il a ses administrateurs à lui, ses tribunaux, ses officiers de justice et son armée.

Sans doute l’esprit national, les passions collectives, les préjugés provinciaux de chaque État, tendent encore singulièrement à diminuer l’étendue du pouvoir fédéral ainsi constitué, et à créer des centres de résistance à ses volontés ; restreint dans sa souveraineté, il ne saurait être aussi fort que celui qui la possède tout entière ; mais c’est là un mal inhérent au système fédératif.

En Amérique, chaque État a beaucoup moins d’occasions et de tentations de résister ; et si la pensée lui en vient, il ne peut la mettre à exécution qu’en violant ouvertement les lois de l’Union, en interrompant le cours ordinaire de la justice, en levant l’étendard de la révolte ;

    La même chose se passe encore de nos jours dans le corps germanique, L’Autriche et la Prusse se font les agents de la diète, et dominent loulo la confédération en son nom.

  1. Il en a toujours été ainsi pour la confédération suisse. — Il y a des siècles que la Suisse n’existerait plus sans les jalousies de ses voisins.