Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans toutes les confédérations qui ont précédé la confédération américaine de 1789, les peuples qui s’alliaient dans un but commun consentaient à obéir aux injonctions d’un gouvernement fédéral ; mais ils gardaient le droit d’ordonner et de surveiller chez eux l’exécution des lois de l’Union.

Les États américains qui s’unirent en 1789 ont non seulement consenti à ce que le gouvernement fédéral leur dictât des lois, mais encore à ce qu’il fît exécuter lui-même ses lois.

Dans les deux cas le droit est le même, l’exercice seul du droit est différent. Mais cette seule différence produit d’immenses résultats.

Dans toutes les confédérations qui ont précédé l’Union américaine de nos jours, le gouvernement fédéral, afin de pourvoir à ses besoins, s’adressait aux gouvernements particuliers. Dans le cas où la mesure prescrite déplaisait à l’un d’eux, ce dernier pouvait toujours se soustraire à la nécessité d’obéir. S’il était fort, il en appelait aux armes ; s’il était faible, il tolérait la résistance aux lois de l’Union devenues les siennes, prétextait l’impuissance, et recourait à la force d’inertie.

Aussi a-t-on constamment vu arriver l’une de ces deux choses : le plus puissant des peuples unis, prenant en main les droits de l’autorité fédérale, a dominé tous les autres en son nom[1] ; ou le gouvernement fédéral est resté

  1. C’est ce qu’on a vu chez les Grecs, sous Philippe, lorsque ce prince se chargea d’exécuter le décret des amphictyons. C’est ce qui est arrivé à la république des Pays-Bas, où la province de Hollande a toujours fait la loi.