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rendre ce qui lui est dû ; il a besoin d’agir contre eux pour se défendre de leurs attaques.

Quant à l’action directe du gouvernement sur les gouvernés, pour les forcer d’obéir aux lois, la constitution des États-Unis fit en sorte (et ce fut là son chef-d’œuvre) que les cours fédérales, agissant au nom de ces lois, n’eussent jamais affaire qu’à des individus. En effet, comme on avait déclaré que la confédération ne formait qu’un seul et même peuple dans le cercle tracé par la constitution, il en résultait que le gouvernement créé par cette constitution et agissant dans ses limites, était revêtu de tous les droits d’un gouvernement national, dont le principal est de faire parvenir ses injonctions sans intermédiaire jusqu’au simple citoyen. Lors donc que l’Union ordonna la levée d’un impôt, par exemple, ce ne fut point aux États qu’elle dut s’adresser pour le percevoir, mais à chaque citoyen américain, suivant sa cote. La justice fédérale, à son tour, chargée d’assurer l’exécution de cette loi de l’Union, eut à condamner, non l’État récalcitrant, mais le contribuable. Comme la justice des autres peuples, elle ne trouva vis-à-vis d’elle qu’un individu.

Remarquez qu’ici l’Union a choisi elle-même son adversaire. Elle l’a choisi faible ; il est tout naturel qu’il succombe.

Mais quand l’Union, au lieu d’attaquer, en est réduite elle-même à se défendre, la difficulté augmente. La constitution reconnaît aux États le pouvoir de faire des lois. Ces lois peuvent violer les droits de l’Union. Ici, néces-