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Comparé à un roi d’Europe, le président a sans doute peu de moyens de se créer des partisans ; toutefois, les places dont il dispose sont en assez grand nombre pour que plusieurs milliers d’électeurs soient directement ou indirectement intéressés à sa cause.

De plus, les partis, aux États-Unis comme ailleurs, sentent le besoin de se grouper autour d’un homme, afin d’arriver ainsi plus aisément jusqu’à l’intelligence de la foule. Ils se servent donc, en général, du nom du candidat à la présidence comme d’un symbole ; ils personnifient en lui leurs théories. Ainsi, les partis ont un grand intérêt à déterminer l’élection en leur faveur, non pas tant pour faire triompher leurs doctrines à l’aide du président élu, que pour montrer, par son élection, que ces doctrines ont acquis la majorité.

Longtemps avant que le moment fixé n’arrive, l’élection devient la plus grande, et pour ainsi dire l’unique affaire, qui préoccupe les esprits. Les factions redoublent alors d’ardeur ; toutes les passions factices que l’imagination peut créer, dans un pays heureux et tranquille, s’agitent en ce moment au grand jour.

De son côté, le président est absorbé par le soin de se défendre. Il ne gouverne plus dans l’intérêt de l’État, mais dans celui de sa réélection ; il se prosterne devant la majorité, et souvent, au lieu de résister à ses passions, comme son devoir l’y oblige, il court au-devant de ses caprices.

À mesure que l’élection approche, les intrigues deviennent plus actives, l’agitation plus vive et plus répan-