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nommait ses officiers, et devait se trouver prête en tous temps à marcher pour la défense du pays[1].

C’est dans les lois du Connecticut, comme dans toutes celles de la Nouvelle-Angleterre, qu’on voit naître et se développer cette indépendance communale qui forme encore de nos jours comme le principe et la vie de la liberté américaine.

Chez la plupart des nations européennes, l’existence politique a commencé dans les régions supérieures de la société, et s’est communiquée peu à peu, et toujours d’une manière incomplète, aux diverses parties du corps social.

En Amérique, au contraire, on peut dire que la commune a été organisée avant le comté, le comté avant l’État, l’État avant l’Union.

Dans la Nouvelle-Angleterre, dès 1650, la commune est complétement et définitivement constituée. Autour de l’individualité communale viennent se grouper et s’attacher fortement des intérêts, des passions, des devoirs et des droits. Au sein de la commune on voit régner une vie politique réelle, active, toute démocratique et républicaine. Les colonies reconnaissent encore la suprématie de la métropole ; c’est la monarchie qui est la loi de l’État, mais déjà la république est toute vivante dans la commune.

La commune nomme ses magistrats de tout genre ; elle se taxe ; elle répartit et lève l’impôt sur elle-même[2].

  1. Constitution de 1638, p. 12.
  2. Code of 1650, p. 80.