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des anciens tribunaux de New-Haven, les poursuites de cette nature n’étaient pas rares ; on trouve, à la date du 1er mai 1660, un jugement portant amende et réprimande contre une jeune fille qu’on accusait d’avoir prononcé quelques paroles indiscrètes et de s’être laissé donner un baiser[1]. Le code de 1650 abonde en mesures préventives. La paresse et l’ivrognerie y sont sévèrement punies[2]. Les aubergistes ne peuvent fournir plus d’une certaine quantité de vin à chaque consommateur ; l’amende ou le fouet répriment le simple mensonge quand il peut nuire[3]. Dans d’autres endroits, le législateur, oubliant complétement les grands principes de liberté religieuse réclamés par lui-même en Europe, force, par la crainte des amendes, à assister au service divin[4], et il va jusqu’à frapper de peines sévères[5] et souvent de mort les chrétiens qui veulent adorer Dieu sous une

  1. New-Haven antiquities, p. 104. Voyez aussi dans l’Histoire de Hutchinson, vol. I, p. 435, plusieurs jugements aussi extraordinaires que celui-là.
  2. Id., 1650, p. 50, 57.
  3. Id., p. 64.
  4. Id., p. 44.
  5. Ceci n’était pas particulier au Connecticut. Voyez entre autres la loi rendue le 13 septembre 1644, dans le Massachusetts, qui condamne au bannissement les anabaptistes. Historical collection of state papers, vol. I, p. 538. Voyez aussi la loi publiée le 14 octobre 1656 contre les quakers : « Attendu, dit la loi, qu’il vient de s’élever une secte maudite d’hérétiques appelée quakers… » Suivent les dispositions qui condamnent à une très-forte amende les capitaines de vaisseaux qui amèneront des quakers dans le pays. Les quakers qui parviendront à s’y introduire seront fouettés et renfermés dans une prison pour y travailler. Ceux qui défendront leurs opinions seront d’abord mis à l’amende, puis condamnés à la prison, et chassés de la province. Même collection, vol. I, p. 630.