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marche des choses humaines. Le puritanisme, comme je l’ai dit plus haut, était presque autant une théorie politique qu’une doctrine religieuse. À peine débarqués sur ce rivage inhospitalier, que Nathaniel Morton vient de décrire, le premier soin des émigrants est donc de s’organiser en société. Ils passent immédiatement un acte qui porte[1] :

« Nous, dont les noms suivent, qui, pour la gloire de Dieu, le développement de la foi chrétienne et l’honneur de notre patrie, avons entrepris d’établir la première colonie sur ces rivages reculés, nous convenons dans ces présentes, par consentement mutuel et solennel, et devant Dieu, de nous former en corps de société politique, dans le but de nous gouverner, et de travailler à l’accomplissement de nos desseins ; et en vertu de ce contrat, nous convenons de promulguer des lois, actes, ordonnances, et d’instituer selon les besoins des magistrats auxquels nous promettons soumission et obéissance. »

Ceci se passait en 1620. À partir de cette époque, l’émigration ne s’arrêta plus. Les passions religieuses et politiques, qui déchirèrent l’empire britannique pendant tout le règne de Charles Ier, poussèrent chaque année, sur les côtes de l’Amérique, de nouveaux essaims de sectaires. En Angleterre, le foyer du purita-

  1. Les émigrants qui créèrent l’État de Rhode Island en 1638, ceux qui s’établirent à New-Haven en 1637, les premiers habitants du Connecticut en 1639, et les fondateurs de Providence en 1640, commencèrent également par rédiger un contrat social qui fut soumis à l’approbation de tous les intéressés. Pitkin’s History, p. 42 et 47.