Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Mais avant d’aller plus loin, dit l’historien que j’ai déjà cité, considérons un instant la condition présente de ce pauvre peuple, et admirons la bonté de Dieu qui l’a sauvé[1].

« Ils avaient passé maintenant le vaste Océan, ils arrivaient au but de leur voyage, mais ils ne voyaient point d’amis pour les recevoir, point d’habitation pour leur offrir un abri ; on était au milieu de l’hiver, et ceux qui connaissent notre climat savent combien les hivers sont rudes, et quels furieux ouragans désolent alors nos côtes. Dans cette saison, il est difficile de traverser des lieux connus, à plus forte raison de s’établir sur des rivages nouveaux. Autour d’eux n’apparaissait qu’un désert hideux et désolé, plein d’animaux et d’hommes sauvages, dont ils ignoraient le degré de férocité et le nombre. La terre était glacée ; le sol était couvert de forêts et de buissons. Le tout avait un aspect barbare. Derrière eux, ils n’apercevaient que l’immense Océan qui les séparait du monde civilisé. Pour trouver un peu de paix et d’espoir, ils ne pouvaient tourner leurs regards qu’en haut. »

Il ne faut pas croire que la piété des puritains fût seulement spéculative, ni qu’elle se montrât étrangère à la

    Ceci ne montre-t-il pas bien clairement que la puissance et la grandeur de l’homme est tout entière dans son âme ? Voici une pierre que les pieds de quelques misérables touchent un instant, et cette pierre devient célèbre ; elle attire les regards d’un grand peuple ; on en vénère les débris, on s’en partage au loin la poussière. Qu’est devenu le seuil de tant de palais ? qui s’en inquiète ?

  1. New-England’s Memorial, p. 35.