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celui qui l’a reçu se croie maître absolu des personnes qui sont ses sujets, des biens qu’elles possèdent et du territoire qu’elles occupent. Il est naturel encore qu’il n’ait de compte à rendre de l’usage de ce pouvoir absolu qu’à celui dont il l’a reçu, et qui, d’ailleurs, ne lui en a confié que l’exercice. C’était la pensée de Louis XIV et la doctrine de ses théoriciens de l’épiscopat et de la Sorbonne[1].

Il est bien vrai qu’au fond de cet apparent despotisme royal était le despotisme clérical déguisé : car le roi n’est en commerce avec Dieu que par l’intermédiaire de l’Église ; c’est de l’Église ou de ses représentants qu’il doit recevoir ses inspirations, sa règle de conduite gouvernementale ; c’est à l’Église qu’il doit compte de l’exercice de son pouvoir.

La théocratie est donc le dernier mot de la souveraineté absolue de droit divin. Les peuples n’auraient rien à gagner ici en distinguant entre le catholicisme et le protestantisme ; un pouvoir souverain qui prétend relever immédiatement de Dieu, n’est peut-être pas moins à craindre que celui qui est censé n’en relever que médiatement ou par l’Église. Toute la différence — et nous convenons cependant que ce n’est pas peu de chose — est que dans le premier cas la théocratie n’est que mystique, tandis qu’elle est dans le second mystique et cléricale. Or l’Église étant une institution qui n’a rien de passager ni d’indécis, une institution pérenne, systématique, qui sait ce qu’elle veut et qui ne cesse point de le vouloir, est peut-être

  1. Voir ci-après liv. III, c. I, n. III 2o.