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LA VIE AU HAREM

sereine et douce, surveille la toilette de la petite révoltée.

— Ta voilette est trop transparente ; tes cheveux sont trop bouffants. Cache mieux tes bras, et surtout ne quitte pas la voiture. Les marchands de légumes t’insulteraient.

— N’est-ce pas odieux ? me dit mademoiselle Éminé. Les gens du peuple ont le droit de nous surveiller dans la rue. Ils ne s’en privent point. L’autre jour, je passais, avec une amie, dans une rue de Péra. Un vendeur de salades a grogné derrière nous : « On les déchirera, ces tcharchafs ! » Pendant la semaine de la contre-révolution, le veilleur de nuit est venu chez nous, et a déclaré aux esclaves : « Que vos maîtresses fassent attention ! Si elles portent des tcharchafs indécents et si elles se coiffent comme les infidèles, en montrant leurs cheveux, elles auront affaire à nous ! » Voilà notre liberté, dans ce pays qu’on dit libre ; Jeunes-Turcs ou Vieux-Turcs, ils nous persécutent également.

— Tu exagères, mon enfant, dit la mère.