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PREMIERS JOURS

Un monsieur, coiffé du fez, blond, doux, affable, nous sert de guide. C’est un Français, M. Henry, qui fut, pendant six années, jardinier en chef d’Yldiz. Il ne s’étonne pas de nous voir déçus. Il dit :

— Bien surfait, tout ça !…

— Oh ! combien !

— Et mal tenu ! Ce n’est pas ma faute, vous savez. J’aurais aimé arranger ces jardins, en faire une belle chose d’art. Le Bosphore au second plan, l’Asie au troisième plan, quelles perspectives à ouvrir, quels tableaux à composer ! Mais, pas un sou ! Poches vides… Les ferrures des serres se rouillent, l’eau croupit dans les bassins ; l’herbe pousse dans les allées ; les branches mortes encombrent les taillis. Pas un sou ! Les fonctionnaires du palais ont tout raflé. Et les garçons jardiniers sont en grève.

— En grève ?

— Ils veulent être payés. On ne les paie pas. Alors, ils refusent le travail. Il y a deux mille citronniers dans l’orangerie qui devraient être mis à l’air. Les jardiniers ont dit : « Nous sor-