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D’UN NOUVEAU RÈGNE

retentit sous la machine comme s’il allait se rompre, et, à une vitesse modérée, nous traversons la place Emin-Eunu et la ruelle près de la mosquée Validé. Voici le Vieux-Sérail, Sainte-Sophie. Je retrouve les décors de la révolution et de la répression, les maisons aveugles, les jardins plus touffus et plus verts, les places où roulaient pêle-mêle les flots pressés des soldats, des volontaires, des prisonniers. Aujourd’hui, l’atmosphère d’attente tragique, de mystérieuse terreur, s’est dissipée. Encore des soldats, partout des soldats, mais ils sont réunis pour une parade grandiose. L’appareil de la guerre n’est plus menaçant. Nul ne songe — ou ne paraît songer — aux fusillés de l’avant-veille, aux pendus de la veille et du lendemain. Devant Sainte-Sophie, nous nous heurtons au reflux de la marée populaire. Il faut ralentir, arrêter. Des corps calent les roues de l’auto ; les arbres plient sous le poids des curieux cramponnés aux branches et, jusque sur les toitures plates, des familles sont installées. Un double cordon de soldats