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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

ramène, par pudeur, son voile de mousseline sur sa bouche, et coule un noir regard hypocrite vers l’Albanais…

Et nous voilà enfin dans un grand espace libre. C’est une colline où des tombes bien vieilles, bien usées, s’effritent dans l’herbe rase. Derrière nous, la masse de Sultan-Sélim monte sur le ciel ; à gauche, il y a des casernes très laides, et devant nous, au bas de la pente, une sorte de prairie molle et marécageuse, où se traîne la Toundja, parmi les saules et les peupliers. Un petit pont enjambe la rivière, unit la prairie à la petite île fraîche et verte qui contient les restes d’un palais ruiné par les Russes.

C’est le Vieux-Sérail, la promenade favorite des gens d’Andrinople, très fréquentée le vendredi et le dimanche par les dames turques.

Les dames turques… Il y en a beaucoup, ce me semble, autour de nous… une quantité de formes noires accroupies, assises, debout, sur la colline du cimetière, comme une bande d’oiseaux lugubres… Non, ce ne sont pas des