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JOURS DE BATAILLE

rire les femmes, anime les hommes de velléités héroïques…

En passant à l’hôtel, nous prenons la jolie Grecque de Prinkipo qui, depuis des semaines n’a pas osé franchir le pont. Elle perd une demi-heure à s’habiller, et descend, en robe de taffetas à jaquette longue, navrée parce que son chapeau n’est pas à la mode. Elle avoue qu’elle a très peur d’aller à Stamboul. Peur de quoi ?… Elle n’en sait rien elle-même… Elle a pris l’habitude d’avoir peur. La demoiselle pérote est moins timide. Elle craint seulement que le pont ne soit barré…

Moïse, grimpé à côté de l’arabadji, dirige l’expédition. Nous voilà, toutes trois, bien secouées par les ressauts de la voiture, jetées l’une contre l’autre, et follement amusées par la fièvre de la ville et le canon qui nous assourdit. Nous arrivons au pont de Galata, à la minute même où la ligne des soldats fléchit, sous la ruée des gens, et nous passons dans un flot de voitures, de cavaliers, de piétons. De la mosquée Validé à Sainte-Sophie, il n’y a que