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l’âge de l’ingratitude

Il faut les fuir et les plaindre. Le monde où elles vivent ne les plaint pas. S’il soupçonne leur détresse, il en fait risée. Car on admet que les servantes et les ouvrières aient des enfants sans avoir de maris, et que le peuple, encore, tout près de la nature, cède à la nature. (Le peuple, d’ailleurs, accepte ces accidents avec une philosophie résignée et la fille-mère s’y marie tout comme une autre.) Mais une personne bien élevée, qui ne se marie pas, il semble qu’elle soit faite d’une chair insexuée, pétrie de neige et de lis. On peut comprendre qu’elle regrette le mariage, mais qu’elle regrette le mari, qu’elle regrette l’homme ! cela paraît dégoûtant et un peu comique.

Dans ce monde bourgeois, et surtout en province, la vieille fille est une vraie vieille fille, bon gré, mal gré. À Paris, ce type n’existe plus guère. Il y a beaucoup de personnes non mariées qui sont femmes complètement. On ferme les yeux, ou l’on dit :

« C’est leur affaire. »

Et il y en a même qui n’attendent pas d’être des vieilles filles.