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l’âge de l’ingratitude

fleurs et les fruits. Puériles ou dragonnantes, anges ou gendarmes, fées du foyer ou calamités domestiques, saintes âmes ou « grenouilles de bénitier », elles avaient toutes, même les meilleures et les plus charmantes, quelque chose d’anormal et de faussé.

Le célibataire mâle, s’il est privé d’épouse, ne se prive pas de femmes. À défaut de justes noces, il a l’amour et les amours. Bien des célibataires entretiennent un ménage… intermittent, ou quelque liaison pas même secrète. Tout autre est le destin de la fille vertueuse qui ne se marie pas, et qui regarde l’amour comme un péché. Elle n’a pas prononcé des vœux, elle n’a pas reçu les grâces que la vie monacale dispense aux religieuses, et cependant, elle a des sens. S’ils dorment longtemps, engourdis par l’accoutumance, ils s’éveillent quelquefois, ou rêvent dans leur sommeil. Heureuse la fille qui n’entend pas leur sourde sollicitation. Elle peut les ignorer, et triompher d’eux sans le savoir, sans avoir jamais connu par son nom l’ennemi qu’elle porte en sa chair. Elle l’appelle « ennui » ou « neurasthénie ». Elle tâche de s’en distraire ou d’en guérir par des régimes. Elle se passionne pour