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LA FEMME ET SON SECRET

vital. Égoïsme bien particulier, car la vieille femme qui n’aime plus rien ne s’aime pas davantage elle-même. Elle prend en haine son corps ravagé, mauvais serviteur usé trop tôt et qui l’a trahie. Elle ne pardonne pas à ses yeux et à son ouïe de s’affaiblir, à ses pieds de chanceler, à ses mains de trembler. La sensation d’être ainsi diminuée lui est odieuse, et elle essaie de l’oublier dans un sentiment qui est sa dernière revanche sur la vie : la domination.

Ainsi une femme dont l’intelligence survit au cœur, peut devenir un de ces tyrans domestiques qui martyrisent une famille, tyrans dont l’inutile autorité s’exerce sans raison, pour le seul plaisir de s’exercer, toujours inquiète, toujours instable, et jamais lasse. Ce sont les perpétuels changements de domicile et de domestiques, les critiques sans fin, les stériles discussions, les plaintes et les reproches, les résolutions contradictoires, un besoin de primer et de brimer, et de peser, à tout moment, sur la vie des autres, de leur faire sentir qu’on est là.

Bourreaux inconscients, victimes d’un secret déséquilibre, la tyrannie de ces pauvres femmes est un effort pour oublier, dans une