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LA FEMME ET SON SECRET

de se harnacher de bonnets et de châles, comme si leurs cheveux et leur taille avaient offensé, par leur laideur, les yeux sans pitié de la jeunesse. Et elles s’habillaient de ternes couleurs : le gris de fer, le grenat, le brun. Majestueuses, dans leurs vastes jupes à volants, le buste enveloppé d’un camail ou d’un cachemire, le profil caché sous l’auvent d’une capote à bavolet où fleurissait la violette, où pendait en grappe le raisin noir, elles allaient à petits pas, les mains croisées sur leur ceinture, et pareilles à de lourdes frégates.

Adieu la danse, les soupers après la danse, les fêtes au jardin, le patinage et le cheval, sports élégants les seuls connus en cette époque de divans capitonnés et de langueurs intéressantes. Adieu l’amour ! La « lionne » d’hier devenait une bête à bon Dieu. La dévotion remplaçait le roman vécu ou rêvé. Et l’on s’occupait de marier sa fille.

Les femmes d’aujourd’hui sont moins pressées de marier leur fille, et elles ne croient pas que leur quarantième anniversaire sonne comme un glas. Cependant, il n’a pas un son très joyeux. On a, malgré soi, dans la mémoire,