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LA FEMME ET SON SECRET

pensée à la réclusion. Il ne lui est permis que d’aimer.

Aussi l’amour, la jalousie inséparable de l’amour, et la servitude passionnée, apparaissent-ils, à nu, chez Juliette. Le fond primitif du Féminin s’y révèle. Il existe, dans les autres femmes, travaillé, cultivé, recouvert, dénaturé. Le voilà dans sa simplicité dépouillée.

Rencontre singulière : un romancier, égal à Victor Hugo par le génie, a trouvé, une fois, dans son œuvre immense, ce Féminin essentiel, et il a créé une figure qui rappelle, par certains traits, celle de Juliette Drouet. La courtisane amoureuse, la maîtresse de Rubempré, Esther, est aussi une fille du peuple. Elle a roulé beaucoup plus bas que Juliette, et véritablement, dans la boue. Cependant son âme est restée intacte, avec toutes ses puissances d’amour qu’elle ignore. Et voici le miracle : ces puissances se révèlent, lorsque paraît Lucien de Rubempré, conduit en secret et en sourdine par Vautrin. Esther rejette les haillons de sa vie et se donne tout entière. Elle accepte de vivre cloîtrée dans sa maison, cloîtrée dans une pensée unique, vouée au culte de