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la femme et son secret

Les années suivirent les années.

D’autres vont désormais passer où nous passâmes.
Nous y sommes venus, d’autres y vont venir,
Et le songe qu’avaient ébauché nos deux âmes,
Ils le continueront, sans pouvoir le finir.

Deux fois, trois fois, à longs intervalles, Victor et Juliette revinrent à l’« heureuse vallée ». Puis, ils n’y revinrent plus.

Juliette avait obtenu de reparaître au théâtre, dans Marie Tudor. Elle n’y fut pas égale à elle-même, et la cabale aidant, elle renonça définitivement à son art. C’est ce que Victor désirait, en secret. Il était trop jaloux pour partager sa maîtresse avec le public.

Elle rentra dans sa solitude. On l’oublia. Elle se consola dans ce culte de son dieu qui était son unique raison de vivre. Tendre servante d’amour, seule, trop souvent, dans le temple désert. Cette vie anormale la fatigua et la vieillit. Avant l’âge, ses beaux cheveux grisonnèrent. Puis elle perdit sa fille. Elle pleurait, maintenant, toutes les nuits.

Car les nuits étaient bien froides pour elle.