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la petite enfance

tième année. Ses parents la garderont tout près de leur cœur. Elle sera trop charmante pour n’être pas aimée, trop aimée pour être malheureuse. Une fille ! Eh bien, l’on est content, et même très content d’avoir une fille ! On aura un garçon, bien entendu, la prochaine fois…

Mais si la prochaine fois et les autres fois, c’est une fille qui vient, les parents se sentent volés, humiliés, et quelque peu ridicules.

Promener cinq à six filles, le dimanche, sous le regard apitoyé et un peu moqueur — si sottement moqueur et apitoyé ! — des passants, c’est une épreuve…

Désirée ou non, la petite fille vient de naître, larve humaine qui s’agite, aveugle et sourde. Du monde extérieur, elle ne reçoit que les confuses impressions de la chaleur, du froid, et peut-être le roulis régulier du berceau, dans les familles retardataires où l’on berce encore les enfants. Elle n’est qu’un suçoir, un tube digestif, une ébauche d’humanité, laide, d’une laideur émouvante, sans