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LA FEMME ET SON SECRET

chise qui est le privilège de l’amitié. Encouragée par lui, Bélasire raconte tous les témoignages d’amour qu’elle a reçus des gens qui l’ont aimée. Elle parle du comte de Lare et voilà Ximénès qui devient jaloux. Il presse Bélasire de questions ; il la soupçonne de déguiser la vérité ou de lui en taire une partie. Il ne lui montre plus ni passion, ni tendresse, étant incapable de lui parler d’autre chose que du comte de Lare. En même temps, il déplore de l’obliger à penser à ce rival défunt. Il trouve qu’elle a trop de mémoire pour les actions d’un homme qui lui a été indifférent, enfin « il fait poison de tout ».

Ainsi, la vérité sortie de la bouche d’une femme trop confiante, dévaste deux existences.

Une femme qui écrit des romans d’amour, se souvient qu’elle a aimé, et puis, si elle a le don d’observer et de recréer la vie, elle fait une œuvre objective. Elle dépasse la réalité qui est particulière pour atteindre à la vérité qui est générale. Néanmoins, il y a toujours, dans un ouvrage qui paraît imaginé, des places sensibles où le souvenir affleure et palpite, comme une artère sous la pression du doigt. Ce secret qui se trahit, prête un