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la petite enfance

trompeuse. L’enfant est une œuvre faite en collaboration, à parts égales. La mère achève toute seule ce bel ouvrage et son rôle dépasse alors, en importance, celui du collaborateur. Elle n’en est pas plus fière. Elle en est même si peu fière qu’elle est plus ardente que l’homme à désirer des fils et non des filles, du moins pour le début.

Elle dit que c’est pitié de n’avoir que des filles, ou d’avoir trop de filles, parce que ces innocentes sont prédestinées à la souffrance toujours, au malheur souvent, ce qui n’est pas le cas du garçon. Une femme, aussitôt après l’accouchement, pense aux tortures qu’elle vient de subir, et qui inspirent aux plus tendres maris une compassion brève et limitée parce que « c’est naturel ». Encore déchirée en ses entrailles, la gorge cuisante du dernier cri, ce cri qui ne ressemble à aucun autre, la jeune mère songe : « Elle aussi, un jour… »

Son premier mot, son mot d’accueil, c’est : « Pauvre petite ! »

En cette minute, la chair féminine parle avant le sentiment et la raison.

« Pauvre petite ! Tu connaîtras les grands mystères du sexe, la libation du sang, la rup-