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le démon de midi

ses nuits. Et puis toutes ses pensées. Et puis la gaîté, la joie, l’innocent bonheur de Mme Philibert. Deux ans après la découverte du carburant, qui n’était pas encore « au point », Philibert mangeait à n’importe quelle heure, n’importe où, hors de chez lui, il couchait sur un divan, à côté de son laboratoire parce qu’il veillait tard et se levait tôt. Il embrassait sa femme sur les cheveux et ne remarquait pas qu’elle avait changé de coiffure. Bientôt, il ne vit même pas qu’elle était pâle et qu’elle avait pleuré. Cette créature qui avait été la douceur de sa vie, elle n’était plus qu’une ombre flottante à travers le nuage de ses pensées et les vapeurs du carburant. Quand, par hasard, ils passaient une soirée ensemble, et qu’elle eût souhaité lire avec lui les livres qu’elle avait aimés, ou causer cœur à cœur, Philibert, envoûté par son démon alchimique, en revenait toujours à parler du carburant.

La pauvre Mme Philibert osa se plaindre. Le mari fut d’abord très étonné. Il était sûr que ses sentiments étaient toujours les mêmes pour sa petite chérie, et il ne concevait pas qu’elle pût être malheureuse à cause du car-