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le démon de midi

qu’à l’ordinaire, les hommes charmants ne sont pas sérieux et les hommes sérieux ne sont pas charmants.

Ils s’aimaient, depuis quinze ans. Pas une défaillance. Il y a autour de deux êtres ainsi accordés une sorte de halo qui rayonne d’eux en les signalant à la jalousie des autres, à cette haine inconsciente que le monde éprouve pour les favorisés de l’amour. Le monde surveille ces couples comme l’Anglais de la légende guettait le dompteur. Les Philibert défiaient le destin, ce tigre. Un jour, cependant, ils seraient mangés.

Le drame commença lorsque M. Philibert découvrit un nouveau carburant pour les moteurs d’avions. Sa femme, au début, confidente de ses espoirs, les partagea d’un cœur enthousiaste. Elle était si fière de son Philibert qu’elle se résigna de bonne grâce à rester à la maison quand il avait rendez-vous avec des hommes de science ou avec des hommes d’affaires. Elle n’était pas égoïste. Il lui suffisait qu’au retour d’une soirée austère, Philibert dît, comme lui seul savait le dire, qu’il avait pensé à elle, tout le temps, et travaillé pour elle. Il lui décrivait les gens qu’il avait vus. Il les