Page:Tinayre - La Vie amoureuse de madame de Pompadour.pdf/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vendent leur honneur contre des honneurs. Il ne veut pas s’embarrasser d’une femme qui demandera insatiablement des charges, des bénéfices, des pensions pour elle et pour sa famille. Peut-être y a-t-il dans son cœur — abîme d’égoïsme et de contradictions — quelque regret de l’amour désintéressé que Mme de Mailly lui a fait connaître et qu’il a récompensé par l’ingratitude ; peut-être aussi, le désir d’être homme plutôt que Roi pour une favorite obscure qui, n’ayant rien à espérer, ne gênerait point. Sortie du néant, elle rentrerait dans le néant, sur un mot du maître, et si, par hasard, elle s’éprenait de lui, sa passion, tout humble et tout adorante, donnerait un ragoût à la volupté sans se hausser jusqu’à l’exigence. Louis XV rêve sans doute, vaguement, de ces esclaves de harem, de ces sultanes élues qui ne sont rien de plus que de belles chattes familières. Sa curiosité va vers la bourgeoise, la jolie femme de Paris, dont le règne commence dans la société française. Par les rapports de police et les indiscrétions de la poste, il connaît la vie privée de ses sujettes, leurs liaisons et leurs aventures. Il en parle, le soir, à son valet de chambre Binet. Et dans cette liberté du coucher, où le Roi se laisse aller à d’étranges confidences,