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et de la ligne. Avec tout cela, aucun pédantisme, mais une mesure parfaite, et ce tact si fin qui est la pudeur de l’esprit. Mlle Poisson n’avait rien d’une Armande — et rien non plus d’une Henriette. Elle n’eût jamais embrassé Vadius pour l’amour du grec, mais elle aimait les gens d’esprit et ne bornait pas ses désirs à l’horizon d’un ménage. Ses rêves de jeune fille allaient plus haut.

Aussi loin qu’elle pouvait se souvenir, Jeanne-Antoinette trouvait l’image du Roi mêlée à ses pensées d’enfant. L’étrange oracle de la cartomancienne, certaines réflexions de Mme Poisson et de M. de Tournehem avaient enivré la petite tête où bouillonnaient secrètement les espoirs fous de l’adolescence. Reinette était amoureuse de ce Roi si beau, et qui s’ennuyait tant, disait-on, avec sa femme. Elle connaissait, par ouï-dire, la chronique de la cour ; la faveur, puis la disgrâce de Mme de Mailly, et le triomphe insolent de Mme de Vintimille. Ces amours adultères et incestueuses ne scandalisaient pas les amis de Mme Poisson, et Jeanne-Antoinette n’y voyait aucun mal. Le Roi était au-dessus des règles communes, et avec lui les femmes qu’il daignait choisir. Sans aucun doute, Reinette souhaitait passionnément être une de ces