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Il se rappela ses incommodités, le « fréquent besoin de sortir » qui l’avait tourmenté pendant le spectacle et qui le tourmenterait certainement lorsqu’il serait dans la grande galerie, attendant le passage du Roi. L’idée seule de l’état où ce besoin pouvait le mettre était capable de le lui donner jusqu’à le faire évanouir, à moins d’un esclandre auquel il eût préféré la mort… Et puis, il s’imaginait devant Sa Majesté qui lui parlait avec bienveillance… Quelle contenance tenir, quelle réponse faire, « sans quitter l’air et le ton sévère » qui étaient, comme la grande barbe, partie de la livrée philosophique ?… Et puis, que diraient ses rivaux, si le Suisse désintéressé, contempteur des honneurs et de la fortune, acceptait une pension ? Et cette pension, serait-elle payée ?… Devant les difficultés créées par sa tête malade, Jean-Jacques se soulagea par la fuite, plantant là honneurs, pensions, et le Roi, et la maîtresse du Roi, et les courtisans. Il se consola d’avoir perdu la pension en maudissant la société et aussi en pensant que le Roi de France fredonnait toute la journée des ariettes du Devin — avec la voix la plus fausse de son royaume.

Mme de Pompadour pardonna cette incartade à