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long moment. Puis il tourna un peu la tête. Maria-Josèphe était là. Elle était à genoux près du puits, comme une statue de la Magdeleine, les mains jointes sur son tablier, et de ses yeux grands ouverts sur Yann, tombait une pluie de larmes…

Yann crut avoir ravivé l’ancienne douleur dans son âme. Il fut pétrifié de remords ; puis il descendit de son siège de pierre. Elle le suivait des yeux, sans essuyer ses larmes, et il lui semblait que dans ces yeux noyés était une douceur inconnue…

Alors il vint s’asseoir sur le banc près duquel elle était prosternée.

— Maria-Josèphe, que vous ai-je donc fait pour que vous ayez tant de peine ?… Je me réjouissais de vous voir plus heureuse, ce soir.

Elle secoua la tête :

— Je n’ai aucune peine, Yann.

— Comment, dit-il, vous n’avez pas de peine et vous pleurez !… Ma Doué ! Est-ce que j’aurais fait ou dit quelque sottise ?… Ah ! tenez, je m’en veux… je ne sais pas de quoi, par exemple, mais je m’en veux de vous voir ces larmes sur les joues… Je le sais bien… je suis un pauvre garçon sans esprit, bien au-dessous de vous et je n’ai pas d’autres mérites que celui de vous aimer, mais pardonnez-moi, j’avais cru — on s’imagine comme ça des choses — j’avais cru qu’à la fin vous me verriez si malheureux, si dévoué, si tendre, que cela vous remuerait le cœur et que vous auriez un peu d’amitié pour moi… mais je ne suis qu’une bête et vous ne m’aimerez jamais que par pitié…