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dessina, courant à elle. Elle se sentit prise par des mains frémissantes. Alors, elle s’affaissa sur la poitrine du musicien, brisée d’émotion nerveuse et pleurant à sanglots.

Lui s’épouvantait de la trouver là, à cette heure, dans un pareil désespoir. Il jeta son biniou à terre, la fit asseoir et s’assit près d’elle. Elle tremblait, heureuse malgré sa détresse de ne plus se trouver seule dans cette horrible lande et de s’appuyer sur un cœur ami.

Et lentement, avec des silences, des réticences, des larmes, elle confia au cœur honnête et loyal du pauvre Yann, la courte histoire de son rêve et de sa souffrance. Il serrait les poings dans l’ombre, prêt à tomber sur le Parisien s’il le rencontrait ; mais au plus fort de sa rage, un grand besoin de pleurer le prenait aussi, de pleurer sur l’unique peine de sa bien-aimée plus que sur la sienne dont il avait tant souffert.

— C’est fini maintenant, fini, disait-elle, on en dit bien long sur moi dans le bourg. Je suis perdue de réputation… Qu’est-ce que je puis espérer de l’avenir ?… Qui voudra de mon cœur, à supposer que je puisse aimer encore ?… Les autres sont bien heureuses, celles qui épousent un brave garçon qui les aime et qui les estime. C’est la vraie vie, ça, et