XIII
Le soir tombait sur la plaine du Ménec, un de ces soirs d’orage qui succèdent aux journées brûlantes. Une lourde nuée, chassée par le vent de la mer, couvrait le ciel d’une fumée uniforme et grise ; des éclairs luisaient, très loin, sur la baie, comme dans les plis d’un manteau, des lames brusquement tirées. La pluie était proche et déjà une fraîcheur montait du sol, humide et pénétrante.
Maria-Josèphe, assis sur un débris de pierre druidique, le coude sur le genou, le menton posé sur le poignet, regardait fixement devant elle, dans la nuit. Par moments, des larmes roulaient de ses yeux ouverts, sur sa joue pâle et qui semblait creusée. Elle restait là, écrasée comme une bête malade qui se cache, inconsciente du lieu, du temps, de l’heure, de tout, sauf de sa douleur.
De temps à autre, un souvenir lui revenait, lui serrant le cœur de ses griffes lentes. Elle revoyait le bois de pins, la roche, les bruyères, le visage de Robert près du sien. Il lui parlait, et, tout à coup, à ses paroles, un grand tremblement l’avait secouée malgré elle. Elle étouffait, avec une angoisse atroce au cœur ; puis, c’était comme si une onde glacée l’eût enveloppée tout entière, et elle s’était senti mourir.
Elle était revenue à elle, ressuscitant de l’abîme où l’avait plongée un coup terrible. Elle l’avait revu, lui, et folle de honte, de colère, de désespoir, elle s’était sauvée au hasard, les basses branches, accrochant sa chevelure qu’elle sentait fuir sur son dos. Elle avait couru longtemps, longtemps, toute haletante, puis elle était venue tomber sur ce débris de granit et elle y était restée…