XII
Un mois s’est passé.
Que la terre bretonne est belle sous la bruyère et sous l’ajonc ! La bruyère, avec ses gammes violettes qui vont du mauve le plus tendre au pourpre le plus foncé, la bruyère est la poésie de ces landes et l’ajonc en est la gaieté. Au printemps, la sombre Armorique, assise au bord des murs sauvages sur un trône de séculaires granits, se pare d’un royal manteau de bruyère ; l’ajonc aux flammes d’or rayonne, sceptre épineux, dans sa main, et sur le granit de son front, court dans un rameau de chêne la pâle verdure du gui cher aux Gaulois.
Il est moins bleu que le ciel d’Italie, ton ciel, ô Bretagne ! Il ne découpe pas des lambeaux d’azur intense à travers des arcs et des colonnades où brillent des noms glorieux ; il ne baigne pas de sa lumière éclatante des bois de lauriers et de myrtes qu’illustrèrent d’olympiennes amours. Mais qu’il est doux au regard et plus doux à la pensée, ton ciel léger, d’une pâleur mystique, où la molle blancheur des nuées flotte comme une neige de plumes tombée des ailes d’un séraphin. Une lumière diffuse, une brume de clarté noie un horizon bleuâtre, émoussant tous les angles, toutes les vives arêtes, toutes les crudités de couleur. Les poètes et les rêveurs t’ont toujours aimé, pays doux et sauvage, et ceux qui t’ont vu dans ta beauté, ceux qui ont promené dans tes paysages le mystère de leur amour, ceux qui ont compris ton âme, ô Bretagne, ceux-là ne peuvent t’oublier. Ils rêvent de tes soli-