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sur l’eau, des nuages roses, des chardons bleuâtres aux fleurs dures sur leurs bras rigides, et il paraissait occupé d’une autre pensée… À quoi songeait-il donc ?…

Ils revinrent.

Comme ils longeaient les frissonnantes salines, si claires, reflétant le ciel du soir, le vent se leva ; le soleil allait disparaître et déjà, sur le tumulus, l’horizon se fonçait, d’une douceur crépusculaire.

— Les étoiles se lèvent, dit Robert.

Et il murmura :

— Je ne vois pas la plus belle… Encore un instant, Maria Josèphe, et nous l’aurions admirée la douce étoile du berger.

… Mais il eut beau dire, l’astre d’amour ne brilla pas ce soir-là, caché dans les brouillards de la côte.

… Et Maria-Josèphe se penchait sur l’appui de la fenêtre, regardant sur le mur d’en face le reflet qu’envoyait la fenêtre voisine où passait parfois une ombre qu’elle connaissait bien.

Tout à coup, une musique lointaine, très faible, s’éleva sur la route d’Auray. La mélodie — un vieil air breton d’une grâce déchirante — semblait pleurer tout un poème de simples et poignantes douleurs. Maria-Josèphe avait reconnu le biniou de Yann qui se lamentait ainsi dans l’ombre et, soudain un remord traversa son cœur y laissant une sorte d’angoisse faite des souvenirs du passé et des incertitudes de l’avenir.