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des amoncellements de granits, la longue pointe de Quiberon filait dans la brume. Des tas de goémons couvraient la grève, tels que de brunes toisons ; et plus loin que les roches noires égrenées comme par une secousse volcanique des traînées d’écume neigeuse glissaient sur le glauque frémissement des flots…

Il y avait, aux creux du sable, des miroitements de flaques limpides où sautaient des bécassines, tendant leurs pattes grêles avec de légers cris doux, cris si faibles, plainte si vite emportée, perdue dans l’indifférente immensité de l’horizon. Une tristesse sortait des choses, venait à l’âme et la nature semblait démesurée, écrasant de sa masse et de son inertie tout ce qui vit, pense et souffre.

Quelques mots de Robert avaient chassé ce malaise. Il parlait de tout ce qu’ils avaient fait ces jours-ci, de tout ce qu’ils feraient encore ; il disait nous, ne la séparant pas des moindres détails de son heureuse existence d’artiste en villégiature, courant les bruyères, les rochers, les sables, en quête de tableaux et d’émotions… Il parlait de la grandiose rudesse du pays, des frissons de lumière