Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

suivant l’expression fantaisiste du jeune homme, à une console Louis XV bien contournée, lui faisait fête chaque matin et le suivait assidûment dans toutes ses promenades. Quand il entrait dans l’étable pour prendre un croquis, les calmes vaches noires et blanches tournaient vers lui des yeux graves que l’absence de pensée rendait profonds : elles interrompaient pour lui le rêve mystérieux que font les bêtes, dans le vague de leurs obscures sensations, et le regardaient, couchées sur le côté, les mamelles traînantes, les naseaux noirs tout humides de salives argentées. Il s’asseyait parfois sous un vieux mûrier, dans l’étroite cour, notant d’imprévus effets de lumière et d’ombre. Les servantes posaient leurs seaux pour admirer, derrière son épaule, « la belle image de la maison ; presque aussi belle, ma Doué ! qu’un dessin de photographe. » Et les coqs fiers comme des guerriers, les poules affairées et jacasseuses, les canards lisses, peints et laqués comme des bibelots japonais frais vernis, picoraient tranquillement aux pieds du jeune homme.