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Hellé

vitres, le cœur étreint d’angoisse, je regardais la plaine disparue dans un brouillard d’eau. À six heures, l’averse cessa presque aussi brusquement qu’elle était venue. J’aperçus le jardin ravagé, des rigoles d’eau jaunâtre dévalant par les allées et noyant dans un limon sale des pétales de fleurs, des brindilles, des petits fruits verts, et les ailes souillées d’un grand papillon blanc que, le matin même, j’avais vu frémir au cœur des roses. À l’horizon, des gazes grises s’élevaient lentement, découvrant la ligne des coteaux. Un tronçon d’arc-en-ciel émergeait, comme l’arche mutilée d’un pont céleste, détruit par la foudre.


CLOUÉE DERRIÈRE LES VITRES.

Je descendis sur la route. Une fraîcheur montait de la terre humide, et je frissonnai sous mon léger peignoir. Babette m’apporta un châle. Anxieuse, je regardais du côté de Gillac, souhaitant que mon attente fût trompée, et que l’oncle Sylvain ne revînt pas avant la nuit. Bientôt je vis paraître un cavalier que je n’avais pas entendu venir, car le sol mouillé amortissait le trot de sa monture. Mon oncle mit pied à terre. Ses vêtements ruisselaient ; ses dents claquaient. Il était livide.

— Vite, du feu, dit-il, des habits