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avant l’amour

tia-t-il, dans l’ombre où nul ne pouvait nous entendre… Marianne ! Marianne !

— Prenez garde, murmurai-je, la tête perdue… Vous ne savez pas… Je…

La voix de mon parrain, s’élevant, inquiète et surprise, nous sépara brusquement. Je quittai la fenêtre, toute défaillante. Rambert, presque aussitôt, prit congé.

« J’aime ! J’aime et je suis aimée… » Un hymne de triomphe éclata dans mon cœur pendant une nuit inoubliable. La vie était belle, la vie était bonne. Tous mes rêves à la fois s’étaient réalisés… La pauvre fille qui pleurait sur sa laideur prétendue et sa pauvreté certaine, la triste Marianne, élevée quasi par charité, destinée au célibat, à la vie pénible, au professorat fastidieux et humiliant, s’éveillait d’un long cauchemar, heureuse, amoureuse, aimée par un homme dont le charme et le talent auraient séduit les plus difficiles… Et ne séparant pas, dans ma naïveté, le rêve du mariage du rêve de l’amour, je me voyais devenue la femme de Rambert…