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avant l’amour

j’étouffais dans ma chambre étroite. Demi-nue, je me penchais à la fenêtre ; l’air frais apaisait la fièvre singulière qui brûlait mon sang, et le vent d’automne, effleurant ma poitrine, emportait le cauchemar qui l’écrasait… Alors je considérais ma destinée… Je pensais à l’Inconnu qui traversait parfois mes songes, à celui qui dormait ou veillait sous ces mêmes étoiles, par cette même nuit, tout près de moi peut-être, et si loin !

Ni madame Gannerault ni mon parrain ne semblaient comprendre la crise que je traversais. Pour eux, j’étais une enfant, une enfant taciturne et bizarre dont le caractère les inquiétait. Mes amies préférées, Madeleine Larcy, Laurette Exelmans, étaient l’une trop naïve, l’autre trop frivole… À qui parler, à qui confier mon intime misère, le mal d’ennui et de désir qui me tourmentait ? Je me sentais étrangère à tout et à tous. Les livres, les conversations surprises, les choses vues, entendues, devinées surtout, me faisaient pressentir un monde d’hypocrisies, de lâchetés, d’égoïs-