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avant l’amour

cela m’apparaît pitoyable et mesquin. Quelle frénésie me jetait vers l’argent, vers la gloire ?… Je n’avais même pas la joie de mes efforts. Tout était leurre, amertume et cendre… Et je me dis maintenant : « Si elle m’avait aimé !… » Car une vertu réside dans l’amour heureux, et ceux qui ne sont pas aimés s’irritent et s’aigrissent. Je ne suis pas un héros. Peut-être aurais-je été simplement un homme, ni pire, ni meilleur que les autres, si j’avais eu ma part de félicité… Si tu savais, ma chérie, combien l’âme s’exalte et s’élargit dans la divine certitude, combien tout paraît facile, aisé, délicieux ! Mais tu ne m’aimais pas, et sur mon cœur ton cœur restait solitaire… J’ai voulu l’asservir et le troubler, ce cœur que je ne pouvais séduire ; j’ai préféré devenir redoutable que demeurer indifférent pour que tressaillît en toi quelque chose, la crainte, sinon le désir… Folie ! Pour notre malheur à tous deux, l’éternel conflit a recommencé entre la coquetterie de la femme et l’orgueil de l’homme. Nous nous sommes étreints et déchirés, et tu