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avant l’amour

Sa voix expira… Déjà, je ne voyais plus son visage. Le soir complice nous versait les philtres de l’ombre… Les nuances, les contours s’évanouissaient dans la nuit où la blancheur confuse des rideaux apparaissait surnaturelle. Dans quel lieu funèbre et charmant, dans quels limbes endormis sous un éternel crépuscule, se prolongeait le rêve que nous faisions ? Quel fleuve noir nous emportait, aux bras l’un de l’autre, défaillant dans un désespoir enivré ? Je ne voyais plus… Je ne savais plus… Sur le lit où nous étions si lentement tombés, nous nous embrassions dans les ténèbres, et nos lèvres n’avaient plus que des baisers et des soupirs. Mon peignoir léger ne me protégeait guère ; je sentais la chaleur d’une poitrine haletante contre la mienne, une étreinte reconnue, des caresses qu’il n’était plus en mon pouvoir de repousser. Mais je ne songeais pas à fuir, pas plus qu’à me donner, pas plus qu’à me défendre. Je savais bien que tout cela n’était que chimère, hallucination, illusion… Des lueurs passaient sous mes paupières, des