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et que je trouvai un jour, — Le Rouge et le Noir, d’Henri Beyle — il affectait d’admirer les impassibles, les audacieux, les hommes d’action… Nul n’avait pénétré ses plaisirs, ses amours, ses dépenses, l’intimité secrète de sa vie ; nul ne pouvait l’accuser d’imprudences ni de débauches. Il était sérieux. Il travaillait. De petites revues de jeunes avaient publié quelques articles de lui, signés d’un pseudonyme et qui surprenaient par leur éloquence agressive. Et dans la famille Gannerault régnaient un malaise, une méfiance, l’attente angoissée des destinées de ce fils. Son avenir était mystérieux et menaçant comme son âme — son âme close et profonde. S’il était bon ou mauvais, personne n’eût osé le dire, mais dans sa bouche les paroles de bienveillance même prenaient un goût amer.

J’avais douze ans. J’étais formée déjà comme une jeune fille et madame Gannerault s’avisa tout à coup de songer sérieusement à mon éducation. Mon parrain m’avait donné quelques leçons et je savais à peu près autant d’histoire