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avant l’amour

rassurer ! — le paysage de boue, ma propre lâcheté — toute la nuit m’obsédèrent. Je regardais Maxime qui s’était assoupi un peu avant l’aube, et ce front martelé, ces cheveux drus, ces lèvres amères, ce visage livré dans la sincérité du sommeil, ne m’inspiraient plus l’attendrissement étrange qui fut peut-être la confuse promesse de l’amour. Je me rappelai mes années d’adolescence inquiète, mes velléités religieuses, les premières ébauches de la passion et cet idéal indécis et charmant que mon âme ignorante avait incarné dans la personne de Rambert… Je regrettai ces mois d’attente et de rêverie dont la douceur douloureuse ne dépravait pas mon cœur, l’amour ingénu, les larmes puériles… J’avais bu la prime rosée dans le calice pur de la fleur sauvage. Puis Maxime m’avait offert le vitriol de ses caresses corrosives… Et je pouvais gémir avec la poétesse antique : « Virginité, tu me quittes ! Où t’en vas-tu ? »

— Mais il est temps encore, murmurait une voix en moi-même. Tout fut aventuré — rien