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avant l’amour

ment ? Nous restons sur le pied de guerre ?… Mais tu reviendras, chérie ? Je te ferai les honneurs de mon logis. Il est bien modeste, mais on peut s’y aimer en paix.

Ses yeux s’arrêtèrent sur le lit. Mes yeux s’en détournèrent… Ah ! cette chambre, hantée et payée peut-être par une autre, jamais cette chambre n’abriterait nos furtives amours. Cette odeur du garni, ces meubles anonymes, ce faux luxe de reps capitonné et de simili-bronze, ce divan, ce lit me faisaient horreur. Et je songeai à toutes celles qui avaient monté l’escalier, franchi le seuil, pâles sous leur double voile ou figeant dans une effronterie pénible leur sourire découvert. Quels couples s’étaient assis dans les fauteuils jaunes ? Quels baisers, quels sanglots avait entendus ce lit ? Quelles misérables amoureuses, exilant ici leur passion ou leur honte, avaient miré dans cette glace leurs visages d’angoisse, en renouant leurs cheveux pour le départ ?

Et j’évoquai, dans cette chambre, dans ce lit, la forme inconnue de celle qui était, plus