Page:Tinayre - Avant l amour.pdf/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
avant l’amour

sans beauté de ce jour, sous le dôme pesant des nuages de mauvais augure, le fiacre banal cahotait notre misérable amour. Déjà les Tuileries avaient étagé sous mes yeux leurs perspectives de grand cimetière. Les tours grêles du Trocadéro se rapprochaient et tout à coup, dans un brouhaha confus de ruche, sur les chantiers salis, sur les tranchées fangeuses, l’apparition formidable d’un monstre, un haut squelette, arc-boutant ses jambes colossales, dressant sa tête rouillée, dans la laideur sèche et précise du métal. Les grues géantes, l’arsenal des cabestans et des roues, la fuite des locomotives s’éparpillaient à ses pieds, réduits au trotte-menu d’une fourmilière.

— Tu pleures ? dit Maxime.

Un rideau de brume cachait les croupes lointaines des coteaux. Sous les peupliers du Point-du-Jour, grouillait la plèbe des berges, en tricots rayés, en casquettes sales, évadée des bouges de Grenelle et des guinguettes vides. Des faces de vice et de misère se levaient, ricanaient, jetaient sur notre passage leur jet