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avant l’amour

Et pourtant, dans cette âme faite de jolies frivolités, de sensibleries quasi ridicules et de sentiments médiocres, une passion s’était développée — unique, absolue, aveugle et touchante… Madame Gannerault n’avait aimé, n’aimait et n’aimerait jamais que son fils. Maxime était tout pour elle. Il remplaçait l’époux que M. Gannerault ne savait pas être, l’amant que madame Gannerault n’avait pas pris, la fortune qu’elle n’avait pas eue, la gloire qu’elle aurait pu avoir… Il était la vivante revanche de la faiblesse et de la médiocrité auxquelles son sexe la condamnait. Elle le chérissait avec cette maternité animale, tantôt sublime, tantôt féroce, des femmes qui n’ont pas eu la vocation de l’amour, mères jalouses, mères douloureuses, qui n’achèvent jamais d’enfanter. Tout était permis à Maxime : toutes ses fautes étaient excusées d’avance. Il était le seul beau, le seul bon, le seul fort, promis dès le berceau aux plus rares destinées…

Je n’avais point vu Maxime et déjà je devinais en lui l’âme de la maison. J’habitais sa