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avant l’amour

mortelle dans le cœur. Qu’avais-je de moins que mes sœurs plus heureuses ? Un peu de cet argent qui déshonore jusqu’à l’amour. Et cette pensée seule me retenait au bord de l’envie, car je connaissais les petits mystères de ces mariages bourgeois. « Certes, pensais-je en écoutant les fadaises de mes cavaliers, si j’avais cent mille livres de dot, je pourrais choisir à mon gré parmi les mieux cravatés de ces ingénieurs. Tous ces gens, hommes et femmes, sont à l’encan. Mais que diraient-ils, si, tout à coup, ils devinaient les réflexions de l’innocente Marianne, cette naïve jeune personne dont les rêves ne semblent peuplés que de princes Charmants et d’oiseaux bleus ? Ah ! si j’aimais Maxime, j’irais avec lui, dans la misère, dans la révolte, vers l’amour. »

Ainsi, entre des jours de colère, l’ennui secouait sa cendre sur mes dix-neuf ans. Je comptais avec désespoir les jours inutiles de ma jeunesse, et la nuit, baignée de larmes, brûlée de fièvre, j’embrassais le vide et les ténèbres, je me pleurais moi-même comme la