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avant l’amour

les brumes basses. Les couchants revêtaient une gloire tragique, un théâtral appareil de pourpre, de sang, d’or, de flammes fauves, et dans les bois violets, au crépuscule, croassaient les vols affamés des corbeaux. Partout s’érigeaient les huttes des hautes meules piquées d’une perche, flanquées d’échelles, hospitalières aux vagabonds. La vigne rougissait aux façades des chaumières, comme brûlée, étendant ses vrilles, offrant ses fruits noirs. Sur la route, oscillait le rideau des peupliers dont chaque bouffée de vent usait la trame.

Quand Maxime revenait de Paris, par le train de cinq heures et demie, après des courses, des démarches dont il ne rendait compte à personne, je guettais le floconnement léger de la fumée à l’horizon. Le train passait à cinq cents mètres de la maison, net et menu comme un jouet mécanique, et un point blanc — mouchoir ou journal — agité à une portière, m’avertissait que Maxime était là. Alors, jetant un châle sur mes épaules, une dentelle sur mes cheveux, j’allais en me promenant