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avant l’amour

Je n’en entendis pas davantage… Je courus dans ma chambre. Je m’enfermai à double tour… Je ne comprenais plus rien à l’attitude de Rambert. Il me semblait que j’étais abandonnée de tous, méconnue par tous, odieusement jouée et trahie… Je ne pleurai pas cependant. Une fureur me prit… Quoi ! j’étais calomniée par cette misérable Laforest qui, si elle était capable d’avoir des amants, était absolument incapable d’avoir jamais un amour ! Entre ma famille adoptive et moi se creusait désormais l’abîme d’un malentendu irréparable, et l’expérience que j’avais faite me faisait mesurer les chances de bonheur que me réservait l’avenir… Ma marraine, représentant le monde et la famille, me montrait le mariage impossible, chimérique ou reculé indéfiniment… Mes origines, ma pauvreté, l’égoïsme des hommes, la médiocrité des âmes, tout me condamnait au célibat… « Moi, m’écriai-je, je ne renonce à rien. Je ne tuerai pas mon cœur ; je ne sacrifierai pas ma jeunesse à ces dieux aveugles et sourds qu’on